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Le Monde Diplomatique, Juin 2006

15.02.14

 

L'écriture contre les désastres du monde 

 

Par Marina da Silva

 

 

José Luís Peixoto est né en 1974, avec la « révolution des œillets », à Portalegre, dans le sud du Portugal. Encore méconnu en France – mais même José Saramago a dû attendre l’âge de 76 ans pour jouir de la reconnaissance du prix Nobel et sortir de l’indifférence et de l’ignorance qui pèsent sur la culture portugaise –, Peixoto est une étoile montante en son pays. Son premier roman, Sans un Regard, paru en 2000, lui assure une renommée immédiate, couronnée en 2001 par le prix José-Saramago de la meilleure œuvre de fiction en portugais d’un écrivain de moins de 35 ans, puis le Pen Club et le grand prix de l’association portugaise des auteurs pour le roman et la nouvelle. Un recueil de poèmes, A Criança em Ruínas (« L’enfant dans les ruines »), lui valut également d’être distingué, juste avant cetteMaison dans les ténèbres, parue en 2002 et publiée cette année en français.

 

C’est donc avec un vrai étonnement que l’on rentre dans le monde de cet écrivain à la plume bohème et curieuse, aussi libre que rigoureuse. L’écriture semble ne receler aucun secret pour lui. Il en aime toutes lesformes, toutes les inventions et expérimentations.

 

Que nous raconte ce roman, dont la quatrième de couverture annonce« un monde lugubre, mécanique et brutal » ? Un écrivain, le narrateur, vit reclus dans une maison « plongée un mois par an dans l’obscurité la plus totale », avec sa mère, silencieuse, immergée dans une immense douleur dont on ne connaîtra pas la cause, avec une jeune esclave dévouée, et... une foule de chats. En outre, le narrateur semble flirter avec la folie, vivant avec la femme qu’il aime « à ceci près que cette femme n’existe pas ». Elle est « l’héroïne du roman qu’il est en train d’écrire tout en luttant contre l’obscurité qui, chaque jour, gagne du terrain sur cette maison hors du temps... ».

 

Cousu de fil blanc ? Pas du tout. Cousu de fils de couleur, de teintes de gouache, de matières à sculpter, entremêlant l’ombre et la lumière, la violence, surtout lorsqu’elle est indicible et qu’il faut aller l’exhumer de son oubli et de sa dissimulation. Se confrontant avec la fièvre de l’écriture, ses aspérités, qu’il va chercher jusqu’à la racine. Interrogeant l’amour, son incarnation et sa désincarnation, le basculement entre son absence et sa présence. Questionnant le monde et sa cruauté, l’écriture et ses frontières, là où création et réalité s’estompent.

 

Une maison dans des ténèbres annonciatrices de désastres, mais où, contre la barbarie et l’agonie du monde, l’écrivain demeure dans une posture éthique de résistance et dansl’éblouissement de l’écriture.

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La Factory, 2006

12.02.14

Sans un regard, roman de José Luís Peixoto, est un des ces livres qui donnent un sens à l'acte de lire, à l'alignement de mots sortis d'une machine. Ce sentiment de plénitude, que l'on ne ressent qu'épisodiquement au feuilletage de Télé Star (et notamment du numéro spécial Noël, même si Céline Dion nous présente ses recettes de réveillon préférées) confine ici à la jouissance. Traduit du portugais, porté à nous par un auteur d'à peine trente ans (mais le livre avait paru dès 2000 dans son pays d'origine), cet ouvrage fascinant est fait d'une poésie et d'une mélancolie qu'on n'aurait jamais imaginé aussi bien ensemble.

 

Ce livre, ce presque chef d'œuvre, est triste. Il est fait de métaphores, de phrases qui surprennent tellement elles ne sont pas banales. Pas de clichés qui prennent la poésie pour des traits qui remplissent les colonnes de Nous Deux ou les prompteurs de la Star Academy, mais des images sans cesse inventées, sans cesse émouvantes. José Luís Peixoto crée un univers comme il crée une façon de décrire la lenteur, le manque, le silence, l'absurdité de tout et notamment de la vie. Ses personnages – comme extraits d'un "bestiaire" mais terriblement humains – n'ont que de petites histoires de village à raconter, mais ils prennent aux tripes. Frères siamois, prostituée aveugle, bergers et Diable se croisent, et pourtant rien n'est factice. Ce n'est pas Big Fish, de Tim Burton, dans lequel les héros étranges n'apportaient rien d'autre que leur étrangeté. On est ici plus près de Freaks, de Tod Browning, transposé dans une campagne sans Dieu, sans espoir, sans regard. 

Et si la poésie s'évapore un peu vers la fin du roman, remplacée par une noirceur presque exagérée – mais comment imaginer que la quasi perfection narrative des deux cents premières pages ne s'essouffle pas, d'autant qu'elle garde une respiration intense, des mots qui sèchent la gorge – elle pousse encore à regarder ce livre comme une surprise enchantée, inattendue. Bon sang, quel talent ! Ce roman est superbe, et confirme que la littérature portugaise, comme sa cousine la littérature sud-américaine, recèlent des auteurs qui n'en finissent pas de nous ébouriffer les sens. Bienvenue dans notre monde.

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