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Recortes sobre José Luís Peixoto e a sua obra.
Sans un regard, roman de José Luís Peixoto, est un des ces livres qui donnent un sens à l'acte de lire, à l'alignement de mots sortis d'une machine. Ce sentiment de plénitude, que l'on ne ressent qu'épisodiquement au feuilletage de Télé Star (et notamment du numéro spécial Noël, même si Céline Dion nous présente ses recettes de réveillon préférées) confine ici à la jouissance. Traduit du portugais, porté à nous par un auteur d'à peine trente ans (mais le livre avait paru dès 2000 dans son pays d'origine), cet ouvrage fascinant est fait d'une poésie et d'une mélancolie qu'on n'aurait jamais imaginé aussi bien ensemble.
Ce livre, ce presque chef d'œuvre, est triste. Il est fait de métaphores, de phrases qui surprennent tellement elles ne sont pas banales. Pas de clichés qui prennent la poésie pour des traits qui remplissent les colonnes de Nous Deux ou les prompteurs de la Star Academy, mais des images sans cesse inventées, sans cesse émouvantes. José Luís Peixoto crée un univers comme il crée une façon de décrire la lenteur, le manque, le silence, l'absurdité de tout et notamment de la vie. Ses personnages – comme extraits d'un "bestiaire" mais terriblement humains – n'ont que de petites histoires de village à raconter, mais ils prennent aux tripes. Frères siamois, prostituée aveugle, bergers et Diable se croisent, et pourtant rien n'est factice. Ce n'est pas Big Fish, de Tim Burton, dans lequel les héros étranges n'apportaient rien d'autre que leur étrangeté. On est ici plus près de Freaks, de Tod Browning, transposé dans une campagne sans Dieu, sans espoir, sans regard.
Et si la poésie s'évapore un peu vers la fin du roman, remplacée par une noirceur presque exagérée – mais comment imaginer que la quasi perfection narrative des deux cents premières pages ne s'essouffle pas, d'autant qu'elle garde une respiration intense, des mots qui sèchent la gorge – elle pousse encore à regarder ce livre comme une surprise enchantée, inattendue. Bon sang, quel talent ! Ce roman est superbe, et confirme que la littérature portugaise, comme sa cousine la littérature sud-américaine, recèlent des auteurs qui n'en finissent pas de nous ébouriffer les sens. Bienvenue dans notre monde.
Par Élisabeth Miso
José Luís Peixoto, La mort du père.
Traduction du portugais François Rosso.
Dès son premier roman Sans un regard, qui lui vaut à 26 ans d’être lauréat du prix Saramago, José Luís Peixoto s’impose comme l’un des écrivains portugais les plus prometteurs. Dans ce texte de jeunesse rédigé entre 1996 et 1997, l’auteur rend un vibrant hommage à son père disparu prématurément. Par un après-midi de printemps au volant de la voiture paternelle, il roule en direction de son village, de la maison de son enfance. « [...] tout semble comme avant. Le silence fluvial, la vie cruelle d’être vide. » Les traces du père sont palpables partout, dans le paysage traversé comme dans l’intimité de la demeure familiale. « Tout ce qui te survit m’assaille. », décrit-il, porté par les mouvements de sa mémoire. Il se revoit au volant de cette même voiture sur ces mêmes chemins quand son père lui apprenait à conduire, il se souvient des moments de parfaite complicité avec lui dans le potager, du bonheur simple des repas en famille. « Tu es resté présent en tout. Superposés à la peine indifférente de ce monde qui feint de continuer, tes mouvements, l’éclipse de tes gestes. Mais rien désormais n’est assez grand pour te contenir. » Dans la chambre parentale il enfile les vêtements de son père et dans le reflet du miroir ce dernier lui apparaît, si net, si incroyablement vivant. La chambre conserve encore l’odeur de la maladie, l’odeur de la souffrance et de l’impuissance des proches. « J’ai passé la nuit seul. Avec toi. Près du silence absolu. Dans le noir qui n’existait pas quand les nuits attendaient des matins de soleil, la vie qui descendait de ton visage, et s’arrêtait, et courait sur nos visages. » Ce père était lumière pour les siens, ce qu’il a transmis ne peut s’effacer, c’est pourquoi José Luís Peixoto s’est juré de ne jamais l’oublier, d’être éternellement reconnaissant à la force de cet amour qui l’a profondément structuré pour la vie. Éd. Grasset, 64 p., 10 €. Élisabeth Miso